TVA sociale
Bon nombre d’observateurs s’accordent à dire que la TVA « sociale » a joué un rôle central dans le reflux de la vague bleue entre les deux tours des dernières élections législatives. La polémique fait rage entre d’un côté une gauche qui s’offusque d’une possible atteinte au sacro-saint pouvoir d’achat des français et une droite qui voit dans cet outil fiscal un moyen de lutter contre les délocalisations.
Un petit rappel sur le fonctionnement de cette TVA « sociale » s’impose. En théorie, cette taxe pesant sur le consommateur final devrait permettre à l’Etat d’accorder des réductions de charges sociales aux entreprises tout en conservant un volant stable de recettes fiscales. Toujours en théorie, cette taxe devrait être indolore pour le consommateur de produits fabriqués en France (l’hypothèse est faite que la réduction du coût de revient sera intégralement répercutée par les entreprises sur le prix de vente HT et compensera de façon parfaite le surcoût de TVA payé par le consommateur final).
En pratique, le prix des produits importés devrait augmenter. Quant aux prix des produits fabriqués en France, des évolutions contrastées pourraient voir le jour : certaines entreprises joueront le jeu (aidées en cela par une concurrence féroce dans certains secteurs d’activité) et feront en sorte que le prix de vente TTC reste stable. D’autres préféreront accroître leur marge. D’autres entreprises employant peu de main d’œuvre (productivité par salarié élevée, pour employer un terme pudique) bénéficieront de baisses des charges sociales non suffisantes pour compenser, à marge constante, la hausse de TVA.
A mon sens, la question n’est donc pas de savoir si les prix augmenteraient en cas d’instauration de la TVA sociale mais plutôt de combien ils augmenteraient. Serait-ce pour autant une mauvaise chose ? Faut-il s’enfermer dans ce matérialisme éhonté qui consiste à voir dans l’augmentation du pouvoir d’achat une fin en soi, la clé du bonheur éternel ?
Outre l’impact potentiellement positif de cette mesure sur l’emploi en France, la baisse du pouvoir d’achat qui en résulterait constituerait une bonne nouvelle pour l’environnement. Car, on le sait, la consommation de produits manufacturés n’est pas sans poser problème.
Mais quitte à instaurer des mesures impopulaires, pourquoi ne pas être beaucoup plus ambitieux ? Plutôt que d’une TVA « sociale », c’est d’une TVA environnementale dont la France a besoin.
L’idée serait tout simplement de taxer les produits en fonction de leur impact environnemental, selon des barèmes très précis : émission de CO2 lors de la fabrication, du transport et de la consommation ; facilités de recyclage. Cette mesure favoriserait les productions locales (réponse au problème si médiatisé des délocalisations) et les entreprises les plus respectueuses de l’environnement.
Ces résultats escomptés légitimeraient amplement une amputation du pouvoir d’achat. Car une chose est sûre : la croissance éternelle de la consommation des produits manufacturés est physiquement impossible. Mieux vaut tenir compte de cette réalité et adapter nos outils fiscaux au plus vite. Ceci permettrait de bâtir des avantages concurrentiels décisifs pour les prochaines décennies, tout en préservant le consommateur boulimique d’une chute fort douloureuse lorsque les lois de la physique prendront finalement leur revanche sur celles de l’économie.